Un imprévu qui s’annonce, un plan qui déraille, une échéance qui approche, une bourde que vous avez fait, un désaccord qui vous confronte à un proche ou collègue.
Si vous êtes quelqu’un qui ressent les choses à vif, avec intensité, vous vous sentez submergé·e par ce que vous éprouvez dans ce type de situations.
L’état qui vous saisit parasite votre journée, votre capacité à réfléchir posément et à agir comme vous le voulez.
Il vous conduit à vous débattre intérieurement : pourquoi ces chamboulements prennent-ils de telles proportions ? Pourquoi faire autant les frais de leurs manifestations ? Comment reprendre le contrôle, et gérer cette intensité ?
Je vais vous montrer mes 4 feuilles de routes préférées pour traverser les émotions.
Mais d’abord un petit détour pour vous éviter de tirer le fil des émotions par le mauvais bout de la pelote (et de vous retrouver avec des nœuds indémêlables).
Fausses idées sur la provenance des émotions
Bien souvent, vous ressentez un changement d’émotion après que quelque chose se soit passé. Et vous mettez votre affect sur le compte de cette chose là. Et pourtant, une émotion ne naît pas directement:
- de quelque chose que quelqu’un a dit (qu’il s’agisse d’éloges ou de critiques)
- de quelque chose que vous avez fait (cassé un vase par exemple)
- d’une situation extérieure (la météo pourrie alors que vous aviez prévu un anniversaire en plein air avec 10 enfants)
- d’un événement que vous avez vécu (comme un accident de voiture)
Qu’est-ce qui dirige votre météo intérieure, alors ?
Face à une même situation, 2 personnes éprouveront quelque chose de très différent.
Parce que l’affect découle de l’interprétation des situations, et des réactions à ces interprétations.
Ceci est réellement une bonne nouvelle, si vous avez l’impression d’habiter un ascenseur émotionnel qui monte et descend selon son bon vouloir. Parce que cela signifie qu’il y a beaucoup plus de boutons sur le panneau de commande que vous ne le pensiez.
Si vous êtes tenté-e de contrôler les situations et les personnes pour ne pas être exposé-e à des émotions trop violentes, cela va vous soulager aussi !
Une fois que vous connaissez le mode d’emploi de ce panneau de commande, vos émotions peuvent même devenir des leviers puissants pour créer votre vie. Tenté·e ?

Naviguer sur l’océan des émotions : 4 feuilles de routes
1. Entrer en contact avec vos besoins
Maslow et Marshall Rosenberg (père de la Communication NonViolente), ont révélé que tout être vivant a des besoins. Tant que nous sommes en vie, nous sommes tous·tes animé·es par des besoins de survie, d’expression, de liberté, de connexion et d’appartenance.
Lorsque ces besoins sont satisfaits, nous avons un éprouvé agréable. Par exemple, si votre besoin d’espace est nourri, vous vous sentez peut-être léger·e, enthousiaste, revigoré·e.
Lorsqu’un besoin n’est pas comblé, nous avons une impression désagréable. Par exemple, si votre besoin de soutien et de coopération n’est pas nourri, vous serez peut-être frustré·e avec du ressentiment.
Là où nous pouvons être très créatifs, c’est dans la façon de les satisfaire. Pour un besoin, il y a mille stratégies possibles. Souvent, nous faisons une fixation sur une stratégie, mais en gardant l’esprit ouvert, infiniment de possibilités souffrent à nous.
Ainsi, pour nourrir le besoin d’expression, on peut, au choix : parler à un proche, rédiger un post sur un réseau social, chanter, danser, préparer des panneaux pour une manif (complétez la liste!)
Le processus est simple et consiste en 4 étapes :
- décrire la situation sous forme d’observation aussi factuelle et neutre que possible
- nommer précisément le sentiment ou l’émotion,
- identifier le besoin,
- imaginer l’action à faire, qui nous fera faire un pas, même modeste, vers la satisfaction de ce besoin.
Et observer les ressentis se transformer…

2. Questionner vos pensées
« Le travail » (ou the work) de Byron Katie
Face aux situations, face aux comportements des autres (et aux nôtres évidemment), nous ne pouvons nous empêcher d’émettre des pensées ou des jugements. Ces pensées et jugements sont déclencheurs d’émotions qui elles-mêmes engendrent de nouveaux comportements. Pour Byron Katie, ces pensées sont de pures créations de notre esprit, elles manipulent la réalité. C’est cette résistance à la réalité qui est source de souffrance.
Par exemple : vous vous trouvez dans la file d’attente à la boulangerie, pressé·e d’en finir parce que vous êtes en retard pour l‘anniversaire de votre cousine. La cliente devant vous semble bien connaître le caissier, et lui raconte ses dernières vacances. Vous bouillez et vous vous dites : elle devrait se rendre compte qu’il y a du monde derrière ! Elle ferait mieux de payer sa baguette et de laisser la place aux autres ! Cette pensée augmente votre exaspération. Vous soupirez, vous marmonnez. Quand sa monnaie lui échappe des mains, vous ne vous baissez pas pour la ramasser.
Le « travail » consiste alors à désamorcer ou plutôt à questionner nos pensées. Le point d’entrée est le moment où on se dit : « elle devrait, elle ne devrait pas ». On se questionne alors : est-ce bien vrai qu’elle ne devrait pas discuter ? En suis-je si sûr-e ? Que ressentirais-je si je supprimais cette pensée de mon esprit ? Comment est-ce que je me comporterais ?
On ne supprime pas délibérément la pensée, mais en l’interrogeant avec curiosité et contemplation, c’est finalement la pensée qui se détache de nous. Nous refaisons la paix dans notre esprit avec la réalité telle qu’elle est. Nos sentiments et notre façon d’agir se transforment d’eux-mêmes.
3. Laisser circuler vos sensations corporelles
Des approches ancrées dans le corps comme le Somatic Experiencing ou le Focusing évitent la narration des faits ou les analyses intellectuelles. Elles visent la régulation du système nerveux et la connexion à soi via l’éprouvé somatique.
Si vous « regardez » bien, les émotions s’expriment par une palette de ressentis physiques dont nous n’avons la plupart du temps pas conscience, mais auxquelles nous résistons inconsciemment. Surtout quand elles sont trop intenses et/ou trop désagréables.
Dans ce type d’approche, la transformation passe par une attention très fine à l’état intérieur du corps. Observer et nommer les sensations physiques (vibration, serrement, contraction, tremblement, circulation, chaleur, froid… ). Et puis entendre ce que le corps cherche à accomplir.
Par exemple, la peur peut venir avec une énergie dans les jambes qui donne envie de s’enfuir. La colère peut venir avec une agitation dans les bras qui cherche à sortir du corps. Le processus (accompagné par un·e thérapeute formé·e évidemment) consiste à décoder avec précision et apprendre à contenir l’énergie qui vient avec l’émotion; éventuellement accompagner sa manifestation physique en bougeant le corps (sans nuire à soi-même ni à autrui). Car tout processus physiologique qui a atteint sa résolution va se transformer.
Les bénéfices à accomplir ce processus en conscience ? Cela augmente notre résilience, c’est à dire que la prochaine fois que nous serons face à des circonstances similaires, nous aurons plus de capacité à les traverser sans en être impacté. Nous allons absorber avec plus de souplesse les événements plus ou moins intenses. Nous allons contenir une riche gamme de sensations et émotions agréables et désagréables. En restant ancré·e et vivant·e, sans être emprisonné·es dans des mécanismes de survie comme fuite-lutte-figement.
RECEVEZ UN AUDIO D’EXPLORATION DE VOS ÉMOTIONS ET DE VOTRE MONDE INTÉRIEUR
4. Reconnaître la pertinence des éprouvés
La maïeusthésie insiste sur l’importance de valider les émotions… et leur pertinence.
Car tout ce qui est ressenti par un être a une pertinence, toutes ses réactions et tous ses choix conscients ou inconscients ont une logique pour lui-elle.
Même si ça n’a aucune logique rationnelle pour son entourage.
Valider la pertinence d’une émotion, c’est faire de la place à l’être qui la ressent.
Cela permet d’éviter les états que la maïeusthésie définit comme anesthésie et émotionnalité, pour aller vers l’état de sensibilité :
L’anesthésie
On ne veut/peut pas être en contact car ça fait trop mal, alors on s’en coupe, on se blinde. C’est une forme de cécité du ressenti.
L’émotionnalité
Dans cet état-là, on sent les choses et même trop, en réaction à un événement ou à un vécu donné. On est envahi·e, débordé·e par l’émotion.
Dans la sensibilité
Dans une posture d’ouverture aux autres et à nous-mêmes, nous sommes sensibles aux ressentis, SANS en être affectés. Nous pouvons nous relier à la justesse qui fonde un ressenti chez l’autre, sans non plus mettre de côté notre vécu propre. Les 2 peuvent cohabiter et communiquer.
Comment faire le chemin de l’anesthésie ou de l’émotionnalité, à la sensibilité ?
En prêtant l’oreille à ce que vous ressentez, et en le nommant.
En vous demandant quel sens ce ressenti a pour vous dans cette situation donnée ?
En vous adressant des messages qui soulignent la cohérence de vos ressentis.
Par exemple : bien sûr que je ressens…. [nom de l’émotion] puisque………. est important pour moi.
L’apaisement vient d’une écoute (sans apitoiement), sans jamais remettre en cause sa façon de vivre les événements.
Quand l’émotion indique une blessure du passé
Parfois, votre émotion semble disproportionnée par rapport à la situation : la maïeusthésie suggère alors de la voir comme un signal attirant l’attention vers une partie de vous. C’est peut-être une partie de vous enfant, blessée ou atrophiée qui fait signe à travers cette émotion.
L’émotion qui était peut-être un problème au départ, devient un sésame pour passer de la survie à la vie, pour mieux vous connaître et pour vous déployer plus pleinement.
Laisser un commentaire